Chapitre treizième.

– Je puis me passer de tout, disait la camarade Zvéréva, d’une voix qui révélait des intonations suaves, sauf de fleurs. Ne riez pas de moi, ajoutait-elle, j’ai une vie si triste !

Des dossiers bleus s’accumulaient sur sa petite table de travail entre un vase rempli d’azalées, le téléphone communiquant par fil direct avec la Commission extraordinaire et le portrait de Rosa Luxembourg dans l’ovale sombre d’un cadre Empire : filet d’or et nœud de rubans. Elle téléphonait parfois avec une aimable familiarité au directeur des anciennes serres impériales : « Vous ne m’oubliez pas tout à fait, Jacob-sen ? Mais oui, mon ami, envoyez-moi quelques fleurs demain. » Jacobsen, perclus de rhumatismes, la face ramollie, prenait sa canne et s’en allait vers les serres désolées. On n’en entretenait plus qu’une partie à grand-peine : encore fallait-il, l’hiver, qu’il se refusât du feu, la nuit, par amour de quelques plantes rares. Il trouvait, dans la moiteur d’une galerie défendue par un héroïsme ignoré, le seul homme demeuré à son poste, le silencieux Gavril, alerte pour ses soixante-dix ans, qui avait fait bien des chefs-d’œuvre dans sa longue existence d’horticulteur, Gavril qui connaissait toutes les variétés de roses, fussent-elles de Bulgarie, d’Italie, de Californie, du Japon ou des Indes et qui en inventait encore de nouvelles.

– Gavril Pétrovitch, cette femme, vous savez, demande encore des fleurs.

Les deux hommes se considéraient un moment avec tristesse. Ils survivaient seuls au désastre des serres les plus belles de l’Empire, de l’Europe, du monde peut-être ! visitées en 18… par le prince héritier du Japon qui s’était émerveillé d’y trouver une rarissime famille de chrysanthèmes… Ils ne franchissaient plus, même l’été, le seuil des galeries closes, livrées à l’hiver assassin, de fougères indonésiennes, de lianes brésiliennes, de minces palmiers de Ceylan morts tout droit dans un froid polaire et demeurés debout, tragiques à voir comme des cadavres d’enfants.

– Eh bien ! j’irai encore, murmurait Gavril. Il le faut bien. Misère de nous ! Misère de nous !

Jacobsen apercevait à ce moment, dans de minuscules pots rouges, de petites pousses d’un vert de plumage tendre, rangées autour d’un grain jaune.

– Comment ! vous les avez sauvées, Gavril !

La main crevassée de Gavril caressait amoureusement le petit pot.

– Ça n’a pas été facile, Iakov Iakovitch, mais voyez comme elles viennent bien !

Ils contemplèrent ensemble, penchés, ces pousses infimes. Mais le souffle terrible du dehors les ressaisit.

– Iakov Iakovitch, nos poissons crèvent…

Jacobsen s’y attendait bien.

– Ce n’est pas possible !

– Ils crèvent de faim, Iakov Iakovitch. On a fermé la boutique de l’Allemand, paraît qu’il spéculait. Les aquariums, dans ses vitrines, sont pleins de petits anges morts, quel crève-cœur ! Moi, j’ai grimpé hier tous les escaliers du Commissariat de l’instruction publique. J’ai attendu quatre heures pour être reçu par le membre du collège lui-même. Je lui ai dit comme ça, bien en face : « Vous devez nourrir mes poissons ! Vous les avez nationalisés, vous devez les nourrir ! Je suis un vieux prolétaire, moi aussi, vous m’entendez ! Je vous dis que mes scalaires crèvent déjà ; mes pantodons… » Il m’a mis à la porte, Iakov Iakovitch, voilà où nous en sommes !

Jacobsen proposa :

– Si vous parliez des poissons à cette femme, Gavril Pétrovitch ?

Le vieux Gavril chemina une heure entière par les rues, chargé de quatre pots d’hortensias presque blancs qu’il portait sur une planchette suspendue devant sa poitrine par une grosse courroie tirant sur son cou. Les gens intrigués regardaient passer des fleurs couvertes de papier de soie. Elles rappelaient les galas, les mariages, les fêtes de saints, d’autres temps. D’où sortaient-elles, pour quels heureux ? Quand Gavril arriva, la camarade Zvéréva était en effet heureuse. Un pli du rayon lui faisait part de l’arrestation de deux suspects réclamés par le dossier 42 : X prénommé Danil, trouvé chez le professeur Lytaev avec des papiers probablement faux… « Le Professeur ! » Quel coup de maître pour sa première grosse instruction politique. Plus d’un collègue ferait une binette en la voyant mener cette affaire. Elle entendait à l’avance les félicitations de ces hypocrites et elle leur répondait, pleine d’un détachement austère : « Pour moi, voyez-vous, il n’y a ni petites ni grandes affaires, il n’y a jamais que le service du parti. » Ça leur fermerait la bouche, à tous ces néophytes, si fiers d’être juges d’instruction à la Commission. Elle ferait le soir même son rapport au président : « J’ai poussé l’affaire, comme vous l’aviez recommandé… »

Gavril la trouva d’excellente humeur. Les reliefs d’un déjeuner somptueux – gruyère, saucisson, vrai thé – tirèrent l’œil du vieil horticulteur. C’était donc vrai, ce que l’on racontait des rations extraordinaires réservées à ces gens-là ? Enfin, puisqu’ils sont les maîtres…

– Gavril, vous êtes mon meilleur ami, je vous assure. Mais ils sont merveilleux, vos hortensias ! Et comment va Jacobsen ?

Ce chameau-là n’aurait pas idée de lui offrir une tasse de thé, et pourtant elle pouvait bien se douter qu’il avait soif par cette chaleur ! Et depuis dix mois il ne buvait plus qu’une saloperie de faux thé de rognures de carottes, misère de nous. Gavril soupira. Les innombrables rides de son visage semblaient encrassées de terre tiède. Le regard y luisait comme les élytres sombres de minuscules coléoptères.

– J’aurais une grande, grande demande à vous adresser, camarade Zvéréva, et de la part de Iakov Iakovitch aussi…

« Il faut savoir refuser. Nous ne sommes pas des sentimentaux. Le devoir d’abord. Refuser poliment mais irrévocablement. N’allez pas croire que l’on m’attendrit parce que je suis une femme. » Le sourire avenant de la camarade Zvéréva fit lentement place à une expression d’austérité distante.

– Dites toujours, mon ami.

Gavril eut subitement froid. L’envie lui vint de ramasser sa casquette jetée sur une chaise et de ficher le camp sans rien dire ; mais il y allait de la vie de ses scalaires et de ses pantodons.

– Voilà, mes poissons meurent…

Un bon sourire illumina le regard de cette femme.

– Vraiment ! Vos poissons ? Et qu’y puis-je, mon brave Gavril ?

Les graines, les farines, les terres, les vers qu’il fallait existaient dans le magasin fermé de l’Allemand. L’Allemand en fuite ou en prison. Le magasin sous scellés. Tout cela pourrissait. Et les poissons succombaient. Zvéréva, ravie, prenait note des détails : l’adresse, le rayon.

– Mais je vais les sauver, vos poissons ! On vous ouvrira aujourd’hui même la boutique de l’Allemand, mon brave Gavril… Je téléphone à l’instant, vous allez voir !

Elle aimait insister au téléphone sur des ordres ou des prières impératives. Il y a, voyez-vous, les organisateurs-nés : ceux-là savent se faire écouter, manier les leviers de commande, donner des instructions précises. Il y a aussi les autres, tempéraments anarchiques et romantiques dont, au fond, le parti n’a besoin que pour un temps.

Gavril rentra le cœur en fête. Des camions automobiles hérissés de lames étincelantes cahotaient d’énormes bouquets de torses noirs et de têtes ardentes. Des mains agitaient leurs bérets à la pointe des baïonnettes ; sombres tulipes portées par des tiges droites d’un bleu céleste. Les cheveux flottaient autour des fronts, les bouches clamaient, les yeux lançaient de brefs éclairs radieux. Le chœur de voix puissantes se mêlait au fracas des moteurs :

Nous déploierons sur le monde

Le drapeau rouge du travail !

Gavril comprit que ces hommes revenaient de vaincre. Pour la première fois sa joie fut à l’unisson de la leur. Il se signa, car c’était devant la cathédrale de Kazan. « Qu’elle vive, qu’elle vive tout de même, notre République affamée… Quand la guerre sera finie, les serres ressusciteront. Nous verrons peut-être ça, Iakov Iakovitch… »

Kirk habitait au 218, Froumkine au 311, Arkadi et Ryjik tout en haut. Le président de l’Exécutif occupait le plus bel appartement du premier étage. Un nœud de câbles trouait le mur à côté de sa porte. Kirk détonnait au milieu de ces hommes à peu près interchangeables. Kirk n’aimait que la révolution, l’énergie et, en secret, les outlaws qu’il avait appris à connaître sur les routes d’Amérique quand, tramp[3] lui aussi, et vagabond, il parcourait les Etats, du nord au sud et du sud au nord, suivant les saisons, passant l’hiver en Floride, le printemps à Manhattan et l’été au bord des Grands Lacs. On couchait chez les copains, dans les bois, dans les jardins, dans les granges, dans les prisons, car il y en a de bonnes. Les grèves de bûcherons, en ce temps-là, avec le gros Bill-front-de-Cyclope, c’était du bon travail ! Une cicatrice lui en restait au-dessus du sourcil droit qu’il avait fourni, brun, coupé d’un trait rose. Ses gros yeux ronds prenaient sans façon possession des choses, bousculaient les gens, forçaient la réserve d’autrui avec un sans-gêne insolent et bonhomme.

– Qu’est-ce qu’on pourra bien faire de moi quand on m’aura vidé ? demandait-il en jetant ses deux pieds bottés sur un fauteuil.

Sa bouche largement fendue grimaçait le sourire contraint de l’homme qui fait une mauvaise affaire sans être dupe.

– Que vais-je devenir quand il y aura des uniformes neufs pour toute l’armée ?

Zvéréva s’admirait, ce qu’elle faisait toujours, ne manquant pas de s’asseoir chez elle de manière à ce que la grande glace lui renvoyât ses moindres gestes baignés de la pureté argentée des miroirs. « Hystérique, pensait Kirk. Tempérament de putain ; et ce museau de nonne méchante pour pièce de Maeterlinck… » Elle répondait :

– Vous servirez le parti, Kirk.

Pas bien longtemps du reste ; anarchisant, pas vrai prolétaire, plutôt lumpen-prolétaire, nouveau venu au parti, porté à tout critiquer, disant des portraits de chefs : « Ces saintes petites images », jetant un grand froid à la table de l’Exécutif en déclarant « horriblement ennuyeux – et tout à fait faux, quant aux chiffres ! » – le dernier discours du président ; elle se voyait très bien l’interrogeant un beau jour, lui, accusé de tremper dans quelque aventure insensée de la troisième révolution…

« Officielle, bien sûr, jusqu’au bout des ongles. À plat-ventre devant les pantoufles du président ; mais demain, si la clique Kondrati l’emporte, pfuit, nous aurons du « camarade Kondrati » plein la bouche. Où prend-elle ces fleurs ? Je parierais qu’elle reçoit à l’Exécutif une ration extraordinaire avec du cacao, des noisettes et du lait condensé pris sur mes blessés… »

– Il y a des gens, dit Kirk, qui font la révolution comme on reçoit des coups de pied au cul. En apprenant l’affaire de la Colline, la garnison du front Obroutchev arrête les communistes, discute des heures s’il faut les fusiller et les enferme dans une cave, en attendant, pour ne pas se compromettre, les ordres des Blancs. Nous prenons la Colline. Je téléphone à ces punaises : dix minutes pour vous rendre sans conditions. Elles tirent aussitôt les communistes de la casemate et y fourrent leurs officiers. Quels salauds !

Il laissa tomber sur le tapis bleu un crachat lourd.

– Au fait, camarade Zvéréva, le Comité me charge de suivre avec vous l’affaire du Centre-Droit.

Zvéréva reçut sans sourciller ce coup direct. Elle savait qu’il faut accepter comme son dû bien des avanies avant de pouvoir les infliger à son tour.

L’arrestation des cinq affidés du Centre-Droit amena par hasard celle d’un inconnu simplement prénommé Nikita qui refusa de répondre aux interrogatoires. On le gardait à vue dans une cellule spéciale de la Commission. Ce devait être un homme d’une endurance peu commune. Kirk l’observa par le judas, étendu sur le parquet, les bras sous la tête, les yeux fermés. « Celui-là ne dira rien. » Mais on avait trouvé cousu dans le col de la vareuse de Danil un chiffon de papier couvert de chiffres. Bobrov le reçut des mains de Zvéréva. Bobrov était un petit homme d’une soixantaine d’années, propret, méticuleux, vêtu exactement comme s’il eût continué à se rendre tous les matins à son bureau du ministère de l’intérieur. Il vivait entre une matrone luthérienne et deux fillettes laides élevées par une gouvernante allemande. La chute d’un empire et de deux régimes n’avait changé à ses habitudes que le trajet matinal qu’il faisait l’hiver dans la même pelisse, l’été dans le même pardessus léger, noir, à revers de soie et coiffé d’un chapeau melon perle, bien brossé, le seul peut-être que l’on pût voir encore dans cette ville. Apathique et spirituel, il lui arrivait en chemin de sourire à lui-même ; ses favoris blancs tombant des deux côtés d’une cravate en soie vieux chine où brillaient, en or, deux minuscules badines d’écuyer, lui faisaient à ce moment la tête d’un vieux marcheur d’opérette. Il conservait depuis longtemps cette élégance « parisienne » apprise à Vienne aux environs des bonnes maisons de rendez-vous. Pour se distraire un peu, en spectateur suprêmement désintéressé, il lisait en route les premières lignes des affiches : Mobilisation des travailleurs. Enregistrement obligatoire des non-travailleurs appelés à l’exécution de travaux d’utilité publique. Paix aux croyants ! Quand un pauvre hère au képi d’ingénieur l’accompagnait un moment dans la rue en murmurant : « Fonctionnaire ruiné, vingt-quatre ans de service irréprochable, deux fils tués au front, quatre mois de prison, n’ai plus une pierre où reposer ma tête, comme le Fils de l’Homme ! » Bobrov s’arrêtait, ouvrait lentement son portefeuille et en tirait des liasses de roubles, la valeur d’une demi-livre de pain, ce qu’il estimait être une aumône chrétienne. Il ne donnait qu’aux mendiants très propres qu’on pouvait croire de l’ancienne bourgeoisie. Sous la dictature du prolétariat comme sous l’ancien régime, des consignes occultes lui évitaient tout ennui. L’installation intérieure de son cabinet dans un immeuble voisin de la commission demeurait à peu près invariable depuis un quart de siècle : lui-même avait veillé à ce que l’on n’y changeât rien en le déménageant des locaux de la Police politique. C’étaient des cartonnages de couleurs, des casiers, des fichiers, des dossiers, des registres alphabétiques, des plans, des numérotages compliqués, de gros volumes annotés, les œuvres classiques de la littérature, les Vies des Saints, des liasses de journaux, des albums de photographies, le Code secret de la marine britannique voisinait avec les Ames mortes de Gogol. Il y avait plusieurs éditions utiles du grand poème de Lermontov, le Démon. Bobrov déchiffrait les textes les mieux chiffrés. Il possédait des clefs pour toutes les serrures de l’intelligence. Il devinait miraculeusement, à lire en tête d’un grimoire : 1.81. V., que la clef était à chercher dans le tome I des Œuvres de Lermontov, édition de 1873, à la page 81, dans la cinquième strophe de Mtsiri. Il connaissait les prénoms préférés des terroristes, les fausses initiales adoptées le plus souvent par les gens dont le nom commence par un K, les chiffres de prédilection des amants, des fous, des assassins, des maîtres chanteurs, des agents secrets, des grands idéalistes, des organisateurs du monde. On lui apportait une carte postale portant ces lignes sous une vue du lac de Constance (voiles blanches, Hôtel du Lac, montagnes) : « Temps splendide, affectueux souvenir, Linette. » Il traduisait : « Reçu chèque, somme insuffisante, agent 131. » Et c’était vrai, il l’eût démontré par les yachts sur le lac, le nombre des fenêtres de l’hôtel, les dentelures de la montagne et celles du timbre-poste. Sous l’ancien régime, les chefs de la police l’introduisaient chez les grands ministres pour des services très particuliers ; ils s’entremettaient eux-mêmes avec les proxénètes attachées à la famille impériale pour qu’elles lui réservassent les minces gamines vicieuses qu’il déflorait péniblement tous les mois le 25, de cinq à huit. Sous le nouveau régime, des courriers spéciaux lui transmettaient des plis scellés de cinq cachets rouges ; la camarade Zvéréva veillait elle-même à ce qu’il reçût une ration de vivres plus opulente que celle des membres du Comité exécutif et qui ne pouvait se comparer qu’à celle du président. Si le mécanisme du souvenir ne s’était pas réduit dans son esprit à une fonction exclusivement technique, il devait se rappeler avoir déchiffré autrefois pour la police les cryptogrammes du Comité central illégal réfugié à Cracovie. Il déchiffrait maintenant pour le Comité central ceux des anciens ministres réfugiés à Dantzig. Les systèmes n’en étaient pas profondément différents.

Peu de temps lui suffit à pénétrer le sens de cette ligne : 21. 2. 2. M. B. 6.4. H. O. 6.2. 4.60.2. R. 11. A. 4. M. 9.10 ? 4.2. R. 9. S. qu’il fallait lire : Kaas, huit, quai des Anglais, confiance. Encore demeurait-il persuadé que le chiffreur s’était deux fois trompé. Ce qu’il redoutait par-dessus tout dans la ruse d’autrui, c’était les complications irrationnelles de l’erreur. Avant de sombrer dans une étonnante imbécillité qui côtoyait chaque jour le génie sans y tomber jamais, il avait rêvé d’écrire un Traité de l’erreur, où la bêtise et les grands nombres se fussent révélés les seuls adversaires invincibles de l’esprit humain.

Grâce à lui fut arrêté Kaas qui lui ressemblait étrangement. Homme d’affaires malheureux, les dossiers de l’ancienne Sûreté présentaient Kaas comme un espion double. Dès qu’il fut assis en face de Zvéréva – Kirk l’étudiait de profil – sa voix chevrotante débita des phrases apprêtées :

– Citoyenne, la vigilance admirable de la Commission extraordinaire m’a convaincu de la justesse de la grande cause du prolétariat. J’avoue que j’ai conspiré, mais en adversaire loyal de la dictature et par une erreur profonde. Je n’ai plus que le désir de la racheter en vous prodiguant les preuves de mon repentir. Une place éminente m’était réservée au gouvernement de la contre-révolution ; je suis prêt à vous livrer tous les fils de la conspiration, à commencer par les noms des trente membres de la Ligue de la Résurrection.

L’être souffreteux jouait sa dernière carte avec une lucidité aiguillonnée par une telle peur qu’il paraissait sur le point de défaillir. Il tenait ses mains sous le rebord de la table, pour qu’on n’en aperçût pas le tremblement. Mais sa tête tout entière tremblait.

– Je connais très bien votre organisation. Vous êtes Kirk de la Commission sanitaire, du Conseil économique, de la Direction des métaux, de la Commission spéciale du ravitaillement de la VIIe armée…

– Citoyen, fit Zvéréva, il suffit. La Commission saura mettre votre sincérité à l’épreuve.